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  Il Fluido Pazzo o Folle - Le Fluide Fou

À la question : "Que signifient les mots rouge, bleu, noir, blanc ?", nous pouvons bien entendu montrer immédiatement des choses qui sont de telles couleurs. Mais notre capacité à expliquer la signification de ces mots ne va pas plus loin. 

Auf die Frage : "was bedeuten die wörter rot, blau, schwarz, weiss ?" können wir freilich gleich auf die Dinge zeigen, die so gefärbt sind. Aber weiter geht unsere Fähigkeit die Bedeutungen dieser Wörter zu erklären nicht. 

Ludwig WITTGENSTEIN, 
Remarques sur les couleurs/Bemerkungen über die Farben, 1, 68

Quand je t'ai revu et entendu enfin, j'ai cru définitivement comprendre le pouvoir de la terre, qui me semblait si obscur, ou éloigné de mes premières caresses enfantines, ces voies différentes, parfois lourdes, mais en même temps suaves, directes et profondes qui m'empoignaient et demeuraient en moi comme des orages en suspens, entre brûlure et froidure, des voix des berceuses immémorables, de justesse, juste là, parmi nous, nous murmurant que le monde est entrain de s'écrouler autour, mais les sourires demeurent à travers les gestes tramés... Même si les images ne semblaient pas nous réveiller de nos rêves, c'était comme si j'avais perdu/oublié des sensations pourtant si instinctives...  Découvrir Souza (parfois on écrit Suza) a été un moment de renouer avec la terre, de choisir de nouvelles images pour mon Atlas, et surtout de méditer sur mes images, afin d'essayer voir, entendre, comprendre, sentir autrement, par des actes humbles et surtout observer, et écouter de nouvelles perceptions et sensations... 

J'ai consacré ces dernières années une place si importante à une pratique très riche de leçons théoriques, et pour corroborer avec les paroles de plusieurs théoriciens, qui avouent que la pratique devra être considérée naturellement comme une "plausible" théorie en puissance, surtout si cette dernière puise ses racines dans de nombreuses sources... J'allais opposer ou lier d'une manière plus ou moins formelle qu'informelle plusieurs fils, les détendre et surtout observer en écoutant des chants d'oiseaux qui prolongeaient ma trame au-delà d'un savoir circonscrit, au-delà, des concepts, des opinions, mais, qui inventaient aussi, d'une autre façon, des nouveaux rapports aux images et aux sons... Comme un cahier de morceaux choisis qui racontent (les morceaux) un voyage consistant à noter, réveiller et éveiller des souvenirs, parfois, le travail de toute une vie qui réinvente les mouvements de la danse souvent hantée par la notion d'unicité, et qui, témoigne (danse) de mon/plusieurs inclusion.s inévitable.s dans un nouveau monde parfois cruel... 

Une re.lecture risque d'être parfois longue, car à mon retour de la cueillette de nouvelles notes et pistes à Souza, certaines images et croquis m'invitaient à plusieurs récits plus ou moins longs, et d'autres fragments étaient plus silencieux, juste un ou deux mots, et parfois j'avais du mal à poser rapidement un titre sur certaines images (paysages), alors, j'essayais d'esquisser en les archivant pour une association (ultérieure) libre d'idée, j'essayais de trouver des liens évidents (possibles/plausibles) entre elles... 
 

C'est surtout un Work in progress, à chaque projet, j'aime présenter souvent deux images ou trois de l'atlas qui sont des textes plus ou moins longs, parfois un chapitre entier, mais il s'agit des fragments qui font parties intrinsèque et extrinsèque de mes œuvres plastiques... il ne s'agit surtout pas d'une description générale de ma pratique artistique, ni un discours de l'art ou un discours sur l'art de  mes diverses pratiques, mais on peut parler de notes qui concourent d'une manière plus ou moins immédiate à l'inspiration créatrice, à ma perception des arts à un moment donné de ma vie, ma jeunesse, ma vie  troubadouresse et ses gaffes, qui m'accompagnent progressivement tout au long de ma vocation artistique et esthétique et m'aident à esquisser une archéologie du savoir visuel et sonore et surtout à faire revivre certaines images et d'autres sons... l'analyse des images 3-4-5 sera excessivement poétique, mais elle ne sera disponible que lors d'une prochaine mission... Pour le moment je n'ai pas de correcteur, donc si vous trouvez une faute, soyez indulgents, et vous pouvez directement m'écrire à la rubrique contact de ce site ou depuis mon Instagram... 
L'Atlas présenté dans le premier lien, sera repris à Duala, car d'autres paysages (surtout mes dessins) sur place se grefferont aux anciennes images, comme un après vivre (Nachleben), pour accentuer ma présence, mon désir et mon questionnement sur la mémoire, la caractérisation de cette mémoire (ou ce qui fait la singularité de ces récits dans un environnement immédiat, essayer de comprendre (par la notion d'empirisme supérieur qui aide à dessiner sans cesse de nouveaux territoires philosophiques) dans cette saisie parfois au hasard, la séduction, l'évolution et la stabilité de certains symboles, pour l'élargissement de ma conscience présente), ce qui reste de l'importance et la connaissance des plantes dans la Culture Duala et nombreux peuples voisins, dont les identités familiales sont habitées de proximités et des récits mystérieux, qui tendent à peindre une nation, celle des êtres qui ont su nommer à leur manière la tendresse et la brutalité de l'existence,  mais surtout, comprendre le rapport à l'eau et la poétique de la terre qui m'appellent et m'étirent dans mon plus profond... en d'autres termes, je devrais aussi chercher les textes récurrents et anciens, dans d'autres langues plus silencieuses et intensives (langues traversées par une vitalité incroyable (engagée dans l'acte/l'action) de mots récurrents, et, d'une diversité de signes et symboles) et authentifier d'autres textes d'auteur.e.s actuel.le.s.  Des nouvelles notes et pistes qui vont m'aider à pénétrer mon temps avec apaisement, m'ancrer dans ma terre et me re.penser moi-même dans certaines traces soumises à un mutisme récemment, et d'autres déjà notées au préalable, sur la Nature et son Renouvellement ou la belle danse des variations des saisons qui me font sans cesse rire, un rire parfois loufoque qui veut être là où son corps l'appelle...
 
Quelque chose de si magique dans la culture Sa'wa de si intense et brûlant, comme mon tendre Soleil... Ce sera d'abord un travail d'archivage photographiques (souvent accompagnées de courtes légendes), des photos et quelques vidéos uniquement en projection sur les sols, sur les murs, comme les feuilles mortes, sur les arbres et par terre, et  mon observation des phénomènes naturels et des textes... Chaque photo sera numérotée et portera un titre (les titres et les descriptions des œuvres seront mis tout au long du projet, ainsi que de nombreuses références et images complémentaires à la dialectique) ou en lien avec mes lectures, mes recherches et découvertes, parfois un livre, et parfois une chanson que j'affectionne pour des raisons profondes et qui me laissent folle de joie en élargissant ma pratique du C comme CULture et culte, en évitant au maximum de m'inviter comme le disait Gilles Deleuze "comme une intellectuelle ou une personne cultivée" ;  mais tout de même des paroles révoltantes rassemblées qui me font fléchir, qui me soulèvent et m'aident à re.prendre conscience de mes premières pensées, pensées oubliées, perdues, mais qui le temps d'une chanson ou d'un récit survivront des plissements de l'âme en m'interpellant et me rappelant combien l'émotion est précieuse... Paroles formelles et informelles ("il faut le système et il faut l'excès" disait Bataille) qui prennent et donnent sans cesse chair et qui boostent notre shining ou les voix intérieures, pour faciliter les représentations profondes des vies intérieures, qui donnent accès à  d'autres cavités fermées, là où se logent les zones fictionnelles de nos rêves et ceux des autres... 
 
La lecture sera longue, car je n'ai aucun savoir provisionnel, et j'espère que vous allez aussi rigoler face à cet éternel recommencement du savoir, enfin, j'en reste persuadée que j'aime faire rire... je ne le cache pas, écrire c'est faire du charme, essayer de charmer les miens d'abord et tous ceux qui tomberont au hasard sur ma prose, car la culture est très liée à la parole comme au commencement et sans une finitude ou finalité précise ou limitée... ces émotions ne sont pas uniquement mes monologues, mais de nombreux échanges avec mes maîtres, amis, connaissances, des rencontres avec des sons et des images, des rencontres avec moi-même et mon Autre si intime, frôler et feuilleter ce dernier comme un pétale de rose, tout en entrant, en restant et en sortant de mes notes (plis ou lettres) surtout par la philosophie...  il y a plusieurs notes, et d'autres qui se rajouteront avec le temps, et d'autres que je vais retrancher, mais vous pouvez lire les textes bout à bout, comme une lecture décousue de nombreux aphorismes donnant naissance à des problématisations continuelles liées aux problèmes de la méconnaissance de ces images et/ou sons ; comme dans un voyage, vous avez le choix de revenir à votre guise ou pas, mais dans tous les cas, vous allez traverser toutes les influences/affluences qui m'ont motivé à arriver d'un bout à l'autre ! Les prochaines planches 3-4-5-6-7... feront toujours écho aux précédentes pour maintenir une forme de linéarité invisible, comme un fil rouge qui vous aidera à ne jamais vous perdre dans ce vaste labyrinthe qui est la vie même... Parfois je me demande bien, dans le fond, pourquoi cette envie sans cesse de consigner chez les humains ? Et subitement j'arrête de consigner, pour une période plus ou moins longue, pour reprendre à nouveau quand un événement percute mes sens, des forces douces, rudes, bizarres, souvent lentes, rapides et souvent des écoutes ou des aperçues que je voulais saisir au passage, retenir ces émotions flottantes, les empêcher de toutes s'envoler en les enregistrant parfois avec mon téléphone portable, certaines mesures extraordinaires ou points d'intensités, et, laissant certaines retourner à l'oubli, comme un grand trou, une fissure dans un tissu, la perte des fragments (oubliés) qui occupera une grande place dans les prochaines planches à travers la lamentation et le pathétique... où se cachent les fragments oubliés ? Où vont-ils quand ils nous échappent dans cette fluidité de l'envol ? 
Attention on va démarrer les premiers textes de l'Atlas des images 1 (une feuille qui se plisse) et 2 (une rivière qui ondule) de l'Atlas qui sont visibles juste en bas  : 

Il arrive donc que les images ne relèvent plus de l’imagerie, ni même de l’iconographie, ni même de la rhétorique quand elles se font figures. Il arrive qu’elles atteignent au rythme et à sa profonde démesure. Dans ces moments, la chose (Sache) danse, se retourne et livre un pan de sa cause (Ursache). Or, il est du pouvoir des mots que de regarder, symptomalement, musicalement, vers cette origine. Ce pouvoir nommé poésie.

Georges Didi-Huberman, « Sous le regard des mots », dans Phalènes. Essais sur l’apparition.

               

Voulez-vous que je rentre dans un jeu de métaphore ou simplement vous dire comment sa voix royale a plier mon âme... ? Ce que je nommais "la poétique" dans "ses" différentes tonalités, me semblait très hypothétique et d'une absolue nécessité dans toute communauté du vivant des désirs, surtout celle qui semble réunir des fragments brisés...

Immobile, ouvrant sans cesse mon cahier de note à Souza, essayant parfois de traduire sa prose à moitié, et laissant le mystère sous le voile...
Quel esprit, quelle semeuse  qui proclame dans sa traîne vocale l'éternité qui se dévoilait dans ce paysage si magnifique...
Est-Était-sera, nous transporte dans cette fougue séductrice qui nous donne un style, une confiance et une conscience dialectique...
Comme si cette faucille mélodique liait dans les viscères toutes les constellations...

Parfois je me dis qu'elle a réussi à nous absorber dans ses formules de pathos, à m'emporter dans ses maux parce qu'elle est Noire... et puis, au bout d'une quinzaine d'années dans cette absorption, je me questionne encore et encore... Je pouvais chanter en son hommage, mais à quoi bon ? Si personne ne peut imiter et s'approcher de la voix si empathique (stimme) et des voies (stimmung) de Madame Lincoln, la grande voyageuse (théâtralité) dans l'univers des formes... Une voix nantie de pouvoirs seignauraux, une araignée messagère, qui relie en développant et enveloppant volontairement ou involontairement de nombreux enjeux qui prêchent sa philosophie... Chez Abbey Tout part toujours d'une image, si on accepte que tous ses CULTES ou compositions et interprétations ont des titres, qui masquent ou révèlent souvent un ou plusieurs sites (des configurations du temps), pour exemple : Look To The Star... Même si la suite nous sera donnée jusqu'au bout du lyrisme, Il y a de prime abord  dans cet enchaînement dialectique un double mouvement  dans le titre, comme des surfaces "superficies" qui font appels aux diverses sciences humaines sociales et amorcent le rêve ou la prose principalement dans les enjeux temporels, axiologiques, esthétiques et éthiques de ce cosmos si vaste : 

1 - Look to : Regarder... Le regard est déjà un geste et il n'y a pas de point de vue assigné ou fixe, mais "look to" ou regarder comme une orientation du corps, de la main ou de la tête, comme une invitation à une lecture chantée – et pas seulement la lecture d’un texte, mais ce que l’on appelle la lecture d’un vaste panorama (mot anglais du XVIIIe siècle, lui-même formé à partir des mots du grec ancien pan ou « παν », tout, et horama ou « ὅραμα », spectacle) est une vue en largeur d'un espace physique, une vue qui pourrait consister à lire de côté, à porter sur le texte un regard ou plusieurs obliques, décentrés, une écoute profonde pour une vue grand angle chez l'humain en particulier et bien d'autres êtres vivants dotés d'une sensorialité plus vaste que la notre. Voir plus loin, c'est changer de perception de la pesanteur et surtout sa notion de verticalité qui devrait résulter dans cette invitation à s'ouvrir vers d'autres capteurs sensoriels. Chez les Mésopotamiens, le tissage d’une étoffe ainsi que la possession et la manœuvre d’une information vestibulaire engagent, un principe identique et fondamental  : la force de gravité terrestre ou s'émouvoir, en d'autres mots, c'est la migration d'une position à l'autre... 

2 - The Star : l'étoile, métaphoriquement comme un ton articulé, un lieu de configuration du temps, un terrain d'expérimentation physique, un mot, donc une ressource (mélodie) si cognitive qui offre une existence où le visible et l'invisible sont si étroitement soudés ; ce qu'il y a de plus éminent  dans ce cantilène est l'ineffable... 

Mon esprit plongea donc sous ce flot inconnu, Au profond de l'abîme il nagea seul et nu, Toujours de l'ineffable allant à l'invisible.

(Hugo, Feuilles automne,1831, p. 774)

L'âme aspire confusément à l'ineffable ; elle a besoin d'illimité ; elle a soif du divin.

(Amiel, Journal, 1866, p. 201)

Dieu seul est cela qui est : nous ne pouvons ajouter à son nom ineffable que l'adoration en lui de l'essentielle différence créatrice en confessant avec les Anges qu'il est Saint. 

Claudel, Art poét.,1907, p. 184.

Si l'esprit et l’âme étaient sondables à ce moment même où j'orientais mon regard vers l'étoile du véritable maître, ils apparaîtraient indéfectiblement comme ces chaînons manquants que j'entendais gémir la nuit dans la jungle profonde de sa mélodie qui me sortait hors des disciplines et m'offrait une nouvelle lisibilité de l'Histoire, une sorte de refuge spirituel ayant un rôle consolateur... Et puis, petit à petit, je me suis mise à suivre ses mots, ses pas, en fouillant sa vie... des formes qui revenaient, et me soulevaient sans cesse... Comment l'expliquer ? J'ai voulu dire au départ Soulèvement, pour une didi-hubermanienne incontestable, le mot soulèvement était une redondance, il fallait juste trouver le terme le plus proche pour cette étude dédiée à Abbey Lincoln, et, dans cnrtl, et tous les autres dictionnaires, Insurrection me semblait le mot le plus délicat...

Dans un premier temps insurrection non et surtout pas comme une action de révolte ou contestation envers une autorité sociale, morale, religieuse, mais insurrection pour essayer de dire ou entre.voir un état d'exaltation intérieure comme Gide et Maurois l'exprimaient  :

« Ce qui nous a séduits dans cette morale, c'est son danger. » Je ne saurais vivre sans danger, sans ce danger-là. Cette insurrection intérieure elle m'est joie, mais en tant que périlleuse, en tant que presque insurmontable. (Rivière, Corresp. [avec Alain-Fournier], 1909, p. 104).

Shelley était nerveux et agité. Une sorte d'insurrection sentimentale soulevait en lui les uns contre les autres des sentiments contradictoires (Maurois, Ariel,1923, p. 168).

C'est en observant surtout les formes (mouvantes et émouvantes) se plier que j'admirais métaphoriquement de plus près la prose de la parolière... Attention ! Cette étude n'est surtout pas biographique, ni monographique, mais c'est en partie plusieurs arrêts sur quelques fragments de textes de la parolière et parfois des reprises, car elle aimait aussi célébrer ses maîtres ou prédécesseurs, et les effets de ces fragments dans ma construction esthétique et scientifique... Essayer d'extraire l'humanité de la pensée libre et de la poésie des fragments qui ne cessaient de cesser en convoquant plusieurs temps... Comment extirper les humanités dans ses temps oubliés dans une chanson que nous fredonnerons toute notre vie, et qui sera reprise par d'autres âmes après notre passage ? Parce qu'au bout de 16 ans d'écoute profonde, je ne pouvais plus faire semblant de passer à côté de L'inquiétante étrangeté (Das Unheimliche en allemand), à chaque écoute, c'est comme si quelque chose d'inavouable et parfois innommable et au-delà du principe de plaisir m'obligeait à marquer une pause à certains endroits qui ouvraient des champs des possibles vertigineuses, en remaniant à chaque écoute un texte ébauché, puis rangé dans un tiroir... rendre hommage c'est restituer cette voix d'émancipation à travers un texte oublié qui commençait même à jaunir par la force de l'âge, des paroles de prise de hauteur par rapport à ce qui nous entoure, des événements qui nous touchent, qui nous blessent, et auxquels nous sommes tenus de répondre en terme à la fois de résistance, de lucidité... certaines paroles d'Abbey Lincoln sonnent comme l'éternel retour d'un drame à défaire, comme une force obscure, comme une rêve (Dream of a land my soul is from, I hear a hand stroke on a drum...), résonnant de loin, comme dans une grotte noire (Ngog Lituba) de nos premiers rêves,  das Unheimliche comme je l'évoquais dans les lignes précédentes, cette étrange (bizarre) sensation que Sigmund Freud (1919)  définit dans ses premières notes de son investigation esthétique comme  :  « variété particulière de l’effrayant qui remonte au depuis longtemps connu, depuis longtemps familier », s’intéressant aux écarts de nos imaginaires, aux qualités de notre sensibilité (esthétique de la réception)... Des motifs en mouvement, si répétitifs et insistants dans les gestes d'arts d'une manière générale, qui nous permettent comme le disait Kafka de "sauter hors du rang des assassins" et ne plus rester plonger dans l'obscurité des "temps si sombres" à ne plus rien attendre de l'horizon visuel et temporel, chercher et trouver des alternatives épistémologiques à chaque instant de la vie  pour ne plus se soumettre à l'obscurantisme... 

M'ouvrant à d'autres mondes et à de nouvelles vies, je découvrais à cette même période de ma recherche la notion de lisibilité (Lesbarkeit) chez Walter Benjamin qui est formellement saisissante, quand il part de cette idée que ce qui importe de lire "c'est de lire ce qui n'a jamais été écrit", ce qui m'apparaissait comme une piste "extraordinaire", lire ce qui n'a jamais été écrit comme si l'auteur nous invitait à désirer « réinstaller quelque chose de soi-même », mais aussi ouvrir les clés, qui fixeront la hauteur et le nom en notation musicale syllabique, d'un soi-même aussi proche que lointain, aussi connu que méconnu, mais soudainement reconnu et parfois oublié aussitôt que reconnu ou entendu, un soi-même aussi fluide qu'au féminin et masculin en même temps, comme un.e l'Éternel.le à préserver, à célébrer qui me fait sourire et rire, aussi belle que tendre, comme ma Nature si douce et suave, et ses belles saisons...

« Silence
le chant des cigales
pénètre les rocs »

 

Matsuo Bashō (松尾 芭蕉?), Traduction Cheng Wing et Hervé Collet pour les éditions Moundarren. Haiku présenté et calligraphié par Yuuko Suzuki, Calligraphie japonaise, Fleurus, 2003, p. 63.

Oui ! Oui ! Je pourrais écrire des milliers de pages sur Abbey Lincoln, en observant les variations des saisons et levant les yeux vers les astres...  Le ferai.s-je ? Peut-être ou pas ! Que je le fasse ou pas, il est incontestable que son oeuvre est et restera à jamais riche en teneur autobiographique et immense en teneur autoréférentielle qui ne cessent de glisser dans les plissements de la vie et de la nature... j'essaye donc de séjourner dans les ondulations des vagues qui ont hanté la parolière, essayer d'"habiter le pli de la vague et sortir de la philosophie par la philosophie" (sortir par une autre philosophie plus dansante plus précisément qui nous éloignera des peurs anciennes) comme le disait si bien Gilles Deleuze... Dans cette même quête, celle d'une littérature iconoclaste et non gouvernée par la théorie, mais puisée dans l'essence sans censure des tempéraments des formes multiples, souvent vacillantes, et à ces aperçu.e.s, je n'hésitais pas à pousser l'émotion à l'extrême, tout en lançant des miettes de ma poche pour un retour potentiel dans l'auditorium de pédagogues qui ont investi leur existence d'une manière totale, en élargissant notre randonnée ... 

Ses plis mélodiques devenaient des fragments, que je notais, un timbre, un cri, un mot, un poème, une feuille, une rivière, une cage... Au cours des déménagements et des notes mal rangées, je pense avoir perdu plus de 100 pistes ou notes... mais savez-vous l'importance même d'un mot perdu ? La lamentation... Lamentation, comme une vaste  dramaturgie du "JE" si intime qui se débat et confère sans cesse avec le cosmos, et, parfois, elle est plus angoissée, que mélancolique, laissant place à cette puissance du pathos (Pathosformel plus précisément, concept warburgien ayant une signification profonde pour l’esthétique) pour une nouvelle lisibilité de l'Histoire... et les planches se mirent à résonner en ruisselant, sans statut ou posture définitive, mais un geste de désir, qui incarne une volonté de puissance, celle d'aller sens cesse VERS... Un vers si intense, et si émotif, mais surtout sans contrainte du nombre de syllabe ou de rime... 

Didi-Huberman nous rappelle qu'il faut savoir qu'Aby Warburg a eu un parcours très étrange, car c'est l'un des chercheurs les plus reconnus (scientifiques) qui n'a jamais écrit un seul livre, son dernier ouvrage Atlas Mnémosyne n'était pas un ouvrage en tant que tel, mais plutôt un WORK IN PROGRESS (ou travaux en cours, jamais complètement achevé, mais ouvrage en perpétuel tramage ou tissage (une oeuvre à l'oeuvre), en perpétuel mouvement qui a marqué plusieurs générations par son efficacité heuristique...

Son Atlas Mnémosyne est une sorte de choix (trancher ou retrancher), parmi les centaines et milliers de photos de sa photothèque, le choix de quelques images, 1000 à peu près, mais ce n'est pas beaucoup 1000 images, un historien de l'art peut parcourir plus de 1000 images en une heure ou deux d'étude. Mais ce qui nous marque dans ces images, c'est UN CHOIX très précis où Warburg essaye de planche en planche (on peut appeler ce choix des montages tabulaires d'images) de poser des problèmes (dialectisation), comme si une partie des humanités se projetait à l'échelle d'un dialogue intérieur, dans les images et sons d'Aby et Abbey qui remontent sans cesse...

Dans ce même acte de tissage ou croisement, si on essaye par exemple de se concentrer sur la planche 42 (qui sera rajoutée dans l'Atlas d'Abbey Lincoln exactement au même numéro, pour exprimer l'importance de la douleur dans le blues), elle concerne les LAMENTATIONS, plus précisément les lamentations devant les morts, et cela suppose un certain nombre de gestes, et on peut donc dire que Warburg est aussi un anthropologue des gestes et des images qu'un historien de l'art au sens STRICT (notons ici un Kunstwollen comme une volonté de l'art ou des images (Le Kunstwollen, concept inventé par l'historien de l'art autrichien Aloïs Riegl en 1901 dans son livre L'Industrie artistique tardo-romaine, a connu une forte critique considérable dans la théorie de l'art du XXe siècle.) ; pour revenir à Warburg, cette volonté de choisir certaines images en particulier est fortement liée à une forme d'ouverture aux études interdisciplinaires). (...) comme une sorte de campagne photographique à son gré à lui, ses choix affirmés, intimes, comme une sorte d'énorme film avec des gros, moyens et petits plans, pour relier la théorie (verbe) à la pratique (des images), relier les frontières entre la théorie et la pratique, la théorie devient une pratique et une pratique (les images) si elle est forte, porte elle-même une théorie... ce que j'ai qualifié plus tardivement de Mémorisation visuelle et sonore (pour aborder rapidement la théorie des images et des sons... un texte chanté invoque un au-delà ou les puissances "Extraordinaires"des imaginaires et des imaginations... ).

Pourquoi des imaginaires et des imaginations au pluriel ?

 

Es-tu seul.e dans ce corps si minuscule et immense en même temps ? Ce que le corps peut ? Si j'avais des grandes pièces pour garder toutes les fleurs  collectionnées au fil des saisons, alors j'aurais pu être un livre, car il n'y a pas beaucoup de place dans une pièce à vivre, mais cette dernière semble masquer de nombreux espaces à réactiver sans cesse... sans oublier les animaux qui parlaient dans les bois, et le regard des grenouilles qui semblaient m'entendre de loin, et même le profane ne me quittait plus, il fulminait les plumitifs, les plus enracinées et les pharisiens...

Reprendre le concept Atlas ou cahier de Morceaux Choisis est aussi une manière indirecte (monde comme volonté et représentation) de faire hommage à l'Institut Warburg, qui est un centre de recherche qui fait partie de l'université de Londres, School of Advanced Study ; il est spécialisé dans l'étude des influences de l'Antiquité classique sur la civilisation occidentale.

Comment j'ai découvert cette bibliothèque et l'oeuvre d'Aby Warburg et pourquoi sa méthode me fascine et ne cesse de fasciner d'autres chercheurs ? (Texte à suivre dans un Chapitre qui aura certainement pour titre Connaissance de la LIBRE association ou le MONTAGE (tissage) dans la pensée contemporaine... mais en attendant quelques liens pour étayer ma fascination sur Le Concept d'Aby Warburg ou la LIBRE association (RELIANCE) de la pensée). Reliance (to rely), « s’appuyer sur, faire confiance », en sociologie, c'est l'acte de relier, de créer des liens, une forme de réseaux de relations internes et externes surtout (relation interpersonnelle) entre des personnes ou des systèmes en opposition et/ou en accord, créer des connexions...

Le Concept Warburgien (Atlas, la bibliothèque et l'institut) est surtout un besoin psychologique fort de réunir des éléments isolés (disparates), un fort désir de connexions (au pluriel) de nombreuses sources, parfois à contre-sens, et le tissage va rajouter du sens, pour l'injecter dans un système déjà existant (institutionnalisé), et essayer de créer un nouveau système parfois excessivement hétérogène, c'est à dire sur le plan de la sensibilité garder sans cesse une approche du "contact des images et de leurs visions" multiples... Entrer en contact c'est atteindre (du latin attingere toucher à sans pour autant saisir ou posséder), comme caresser une lame qui pourrait nous martyriser si le contact est profond...

Dire que je suis Esthète ou didi-hubermanienne me fait rire/sourire grave, comme certains exégètes des derniers siècles se pensent deleuziens ou nietzschéens, pour une fois, ce n'est pas un snobisme conscient de ma part, mais une longue démarche réflexive... En plus, pour être honnête avec moi-même, il faut avouer que, je, ne l'étais pas au début de mes études... on ne va pas se mentir... Franchement ! Mais, Éternel sans fin ni commencement a su guider mes pas, et j'ose encore le croire pour une fois de plus dans ma vie sans pessimisme et sans vouloir me prendre pour une grande théoricienne des images comme Umberto Eco ou Georges Didi-Huberman qui a rajouté Huberman et un trait d'union à son nom par amour excessif pour sa mère, pour ainsi constater qu'on ne Nadine pas avec l'Amour ! L'amour participe à la réunion de divers pôles.... l'amour aide à souder,  à visser, attacher parfois des forces antagonistes... antagoniste (du mot grec ἀνταγωνιστής, antagonistes, de άντι, face à et άγών, combat : « opposant, adversaire, rival »), dans le théâtre grec antique... 

Les morceaux choisis essayent à chaque fois de rajouter du sens à mon quotidien, de le dé.construire, de l'élargir, on partira d'une image ou deux, l'autre aspect du jeu de montage est l'importance des corps présents/absents (corpora) dans le choix des images...

La première fois qu'une personne m'a appelé Esthète en 2016, c'était en Afrique, mais ceci est un secret amoureux... il ne saura jamais qu'il a déclenché consciemment ou "non" une flamme en moi, car même si j'étais étudiante en Master Esthétique et Sciences de l'Art, personne avant lui ne m'avait appelé de la sorte : ce jour, je suis tombée amoureuse des frivolités intellectuelles, de ma vocation ou de sa voix/voie... allez savoir Pourquoi... ? Alléluia oh !

 

Et puis, même si, j'aimais écrire dans les premières heures de mon adolescence, je n'avais jamais rêvé  publier un seul livre... peut-être des compositions de surfaces, des fragments de mes délires qui s'émouvaient, contournaient (en contours) et les morceaux choisis de ma vie uniquement dans mon journal, comme si, je savais consciemment et inconsciemment qu'il fallait arracher ce fragment du temps de nombreuses affluences sonores et visuelles, comme si, quelque chose manquait en moi dans ce désir fou de noter... et puis, je me suis  retrouvée avec des milliers de notes... parfois, quand je relis une au hasard, je me dis :  que vais-je faire de tous ces textes... Alors, un jour, mon cher ami Sancti Petri m'a dit avec son charmant sourire et son regard si possessif : dans ce cas, il ne faut surtout pas dire pour le moment que tu vas écrire un livre, il faudrait dire la vérité, que tu écris des Textes... Sancti Petri avait presque toujours raison, je l'aime beaucoup pour sa clairvoyance... en plus, il sait replier et déplier mes tournures... Sa présence était si maïeutique, et elle m'aidait à moduler des formules littéraires qui donnaient naissances aux formes des vies mêmes et des formes de vies si réelles et abstraites qui donnaient naissances aux formules littéraires, et je me nourrissais avec joie dans tous les sens... 

 

Et puis, un jour, j'ai eu envie de le faire, de publier des fragments, et les jours d'après je n'ai plus eu envie... et les jours d'après j'ai eu envie de le faire... et rebelote... Ce qui m'a poussé à aimer l'écriture pour de vrai, était cette facilité à valider mes épreuves écrites et orales en esthétique de l'art et en sciences de l'art... je me surprenais moi-même, je ne pensais pas y arriver au départ, et quand le moteur démarrait bien, il arrivait parfois même à charmer la foule, et c'était si jouissif et viril... parfois, j'écrivais si vite et parfois je posais ma plume et j'observais à nouveau et si tendrement et silencieusement les matières en ramenant la plume, observant ce qui sombre, et  dans les abysses... écrire devenait un jeu/je de plus en plus sérieux... je combinais et disposais des lignes de force instables et poignantes... mais le déclic s'est produit au cours des colloques et conférences en amphithéâtre, quand j'écoutais les exégètes de près ou de loin parler d'images, leurs images et celles qui les entourent... j'aimais les regarder rire, se mordre les lèvres, les crisper, et, aduler les images de leurs images... c'est comme s'il y avait un désir et un plaisir viscéral à écarteler les images... j'aimais voir les images projetées et exposées sur les murs blancs et les whites cubes... il me semblait les entendre lire à nouveau ce que je n'avais pas encore écrit, une forme d'archéologie du langage, comme si on venait d'ouvrir les portes de la jungle à nouveau, et qu'on s'arrêtait sur la dernière rosée ou l'étoile du matin, et on essayait à nouveau de lire dans la plus petite gouttelette ce qui va arriver à l'impératrice Dame Nature... Lire annonce une prochaine bataille, c'est ce que je nomme la divination splanchnique par la particule, le plus viscéral de l'être... comme s'il fallait ouvrir les cavités les plus fines de la forêt pour comprendre comment nos états de conscience des phénomènes naturels ont un effet marqué sur les fonctions des viscères, ainsi, il fallait regarder les lianes, les branches, les troncs et toutes les forces végétatives se courber, comme observer méticuleusement les boyaux d'un agneau sacrifié en Mésopotamie... 

 

J'aimais voir ces hommes et femmes bouger les mains et pointer du doigt la « bonne nouvelle », en essayant de rendre parfois accessible la poétique, et faisant parfois lever  non pas seulement les aspects des choses ou les états de fait, mais, leurs points sensibles, où cela pourrait fonctionner à l'excès, où cela pourrait clocher éventuellement, là où les contrastes divisent et soulèvent des conflits... en nous rappelant surtout de soulever avec lucidité continuellement la présence et l'absence, mais tout en nous gardant de confondre les échelles de comparaisons et de grandeurs liées au rang d'obstacle épistémologique... certain.e.s femmes et hommes des sciences humaines et sociales prêchaient avec grâce de nombreux objets littéraires que nous avions tous en partage dans les dites humanités, et depuis de nombreux questionnements, ils redonnaient aux mots des formes si nouvelles ou anciennes, des mots qui surgissaient comme un lieu de reprise du cours de l'expérience... Le cours de l'expérience avait-il vraiment tant chuté que cela ? 

 

Je ne les enviais pas au point de rêver être à leur place, entrain de représenter les images des corps vecteurs d'expressions absolues en tant que médiums produisant des effets liés à la singularité de notre sensibilité... les exégètes qui restituaient avec bravoure les dimensions sensibles de ce monde, ils manipulaient des corps mobiles (animé ou en action) ou immobiles, qui enregistrent, occupent et définissent l'espace même après la projection, ce corps qui restera à jamais symbolique, mais surtout psychologique ; l'essence, le noyau du travail d'un cahier de morceaux choisis est de produire sans cesse du sens et donner continuellement des dimensions uniques et transversales pour comprendre les transformations d'un corps (socio-culturel et politique) sur des périodes disjointes, et parfois produire la collision ou le choc des temps... rendre sensible, comme le disait Georges Didi-Huberman c'est aussi rendre accessible sa dialectique du symptôme, dont l'histoire est toute traversée, le plus souvent à l'insu des observateurs patentés... 

 

Il me semblait à ces moments en amphithéâtre me revoir désirer être à la place du pasteur, sur un piédestal, entrain de soumettre, d'attendrir le peuple et renforcer les âmes perfides en même temps, pour nous sauver les flammes de l'enfer...  dans ces cultes nombreux et parfois si longs de ma jeunesse, assise là dans ce théâtre religieux, à chanter des cantiques, à danser en tenant parfois les mains des fidèles, en priant "fais de moi ce que tu veux Éternel", et, me laissant parfois emporter par de nombreuses émotions, et puis, on est témoin d'une expérience de vie, celle d'une communauté religieuse et spirituelle dans la quête de sa connaissance et sa constitution corporelle à travers divers gestes qui deviennent un héritage plus physique que symbolique, l'héritage de la pratique du culte (acte) quotidien... Ce paradis même, tant adulé et rêvé, était en floraison et il y coulait du lait et du miel...  cet élu de Dieu, emportait à jamais par le pouvoir des mots, mes maux et mon innocence avec... la supplication était devenue le matin de nos vies, il fallait implorer... les larmes devenaient des armes de séduction massive de l'éternel salut et nous construisions une nouvelle approche de la lisibilité des images autour de la notion du salut, c'est bien que l'"intelligibilité" ancienne ou des anciens, se laissait happer par une nouvelle dialectique des images qui à son tour (dialectique) s'accompagnait d'une "démission de la pensée" et de nombreux "autres" événements sensibles comme des sons, des apparences, des apparitions, des gestes, des regards... Mais les nouvelles images et les sons dits d'importations peuvent-ils être directement tenus pour cause de cette soumission et cet abandon masochiste des souvenirs primordiaux au point d'aimer et adopter sans relâche et avec "passion" les points de vues du dominant ?

Ils proclamaient avec furie le droit ; ils voulaient, fût-ce par le tremblement et l'épouvante, forcer le genre humain au paradis. Ils semblaient des barbares et ils étaient des sauveurs. Ils réclamaient la lumière avec le masque de la nuit.

Victor Hugo, Les Misérables, 1862.

Texte integral : Paris, Ollendorff, 1904-1924. 

Mon premier professeur d'esthétique de l'art commençait (paix à son âme) sa projection d'images par une citation ou un texte, et parfois, il s'arrêtait plus longuement sur une phrase en rapport ou non avec l'image et la dépliait (l'enveloppait et la développait) jusqu'au bout du désespoir et de l'espoir... et dans tous les cas, il arrivait souvent à nous plier de rire... Il aimait beaucoup Victor Hugo et Georges Bataille, mais il était surtout Freudien et Nietzschéen... les images devenaient des phénomènes rythmiques qui traversaient les temps : "la danse de l'histoire" comme le disait un théoricien des images, une danse qui se produit à un moment donné et va sans doute disparaître à notre insu si nous ne la captons/capturons pas, pour peut-être réapparaître si l'occasion le permet... les images ne sont jamais de l'ordre de la représentation dès lors qu'elles nous échappent éternellement, comme la notion de peuple(s), elles restent des singularités multiples, qui ne cessent de se dédoubler : il n'y a donc plus d'ontologie de l'image et plus d'ontologie du peuple...

Ces exégètes semblaient si heureux de le faire comme mon pasteur, d’esquisser la mémoire (croquis visuel), de la faire bouger, de chorégraphier les temps, de les interpréter à nouveau en fixant certains plans, voilà comment certaines images semblaient se fixer naturellement comme dans un "combat" du peintre... mais à leurs méthodes et avec leurs belles manières, de nouvelles manies que j'admirais aussi, comme j'ai aussi appris à aimer avec le temps, le beurre, la crème et certains fromages, dans tous les cas, il s'agissait de multiples bouts de formages si réflexifs, des attitudes aussi, qui devenaient formes... des attitudes qui nous rappellent et expliquent comment toutes les histoires des humanités se sont composées... et puis, je, découvrais dans cet acte méditatif des images en lien plus ou moins étroit avec d'autres, qu'il n'y avait jamais une image, mais des images, car une image pouvait en cacher une autre ou plusieurs... Je les observais sans cesse déplier et replier dans ce feuilletage parfois magique... mais soyons sincère dès nos premières notes, d'avouer que, rien ne saurait m'épater comme la mort (ni même ma passion folle à observer les phénomènes naturels, et surtout l'envol d'un papillon, les premières fleurs du printemps, et les fleurs du goyavier...), car, elle arrache l'épatement même, dans cet enfouissement automnal terrible...  

J'ai toujours eu l'impression à chaque sortie de l'amphithéâtre que l'un des buts principaux des récits et re.plis des images étaient de réveiller et éveiller le peuple... Et cette phrase de Paul Klee "vous savez le peuple manque" reprise par de nombreux théoriciens comme Gilles Deleuze, Marie-José Mondzain dans une conférence (sur la question du peuple liée à la sortie de son essai Confiscation : des mots, des images et du temps), orientait (la phrase) mes nombreux travaux sur les images et l’iconocratie, car cette affirmation de Klee abordait d'une manière perspicace la question du peuple, le regard et la question du peuple qui manque, et le monde de la communication et des idéologies en rapport avec la constitution d'un peuple... comme s'il fallait toujours et à jamais donner chair au peuple... Oui ! Oui ! J'avais aussi l'impression dans les replis de mon être, que, le peuple manque, et qu'on s'accrochait surtout à une absence et par la présence des images en particulier, des sons comme des mots et des maux... Comme si, surtout en ces temps actuels, quelque chose de très ancien échappait à nos sens, mais surtout au visible et à l'audible, et qu'il fallait sans cesse décrire et circonscrire notre approche aux formes "nouvelles" ; en appel à l'iconocratie, et pour décrire notre rapport contemporain à l’image, Marie-José Mondzain, philosophe et directrice de recherche au CNRS, propose le concept d’Iconocratie comme : 

 

Un mode de gouvernement par les images, une organisation du visible qui provoque adhésion par la soumission du regard. L’iconocratie serait un culte quotidien et sans cesse renouvelé des visibilités, une addiction au visible pour des yeux devenus aveugles devant l’invisible. L’iconocratie pour être efficace et pour pouvoir s’imposer comme mode de gouvernement puise sa force dans deux régimes de la peur bien distinct :

- L’iconophobie où la peur d’un règne de l’image qui se nourrit des dangers qu’elle nous ferait courir.
- La phobocratie où le règne de la peur qui se nourrit des images et se sert d’elles pour établir sa domination.

Ces deux régimes, peur de l’image et image de la peur sont une même conception du pouvoir fondé sur une appropriation du sensible.

C’est sur ce point que notre rapport contemporain à l’image reste lié au conflit de l’époque byzantine qui opposa le pouvoir politique au pouvoir religieux pour le contrôle des pouvoirs de l’image. Aussi, le temps de l’image libérée de toute appropriation pour dominer et soumettre ceux qui la reçoivent, ce temps là, comme temps de l’âge adulte d’un vivre ensemble libre, n’est pas encore advenu. Pire avec la production industrielle des symboles (le marketing) ou l’industrie cinématographique – qui a fait dire à Jean-Luc Godard, que le cinéma industriel n’a fait et ne fait que raconter qu’une seule et même histoire dans tous ces films – avec donc tous ces signes parmi nous, c’est l’image qui se raréfie et tant à disparaître. Et avec elle c’est le langage, la parole qui est en crise.

 

 

Tournant et retournant sans cesse les images et les sons, deux notions m'apparaissaient sans cesse essentielles, celle de la contemporanéité et celle de la non-contemporanéité (Ungleichzeitigkeit), la seconde est une notion forgée par le philosophe allemand Ernst Bloch, qui dans son éminent ouvrage Héritage de ce temps porté sur l’imagination d'une situation historique qui doit être examinée sous le prisme d’une temporalité multiple et synchronique dans la mesure où les acteurs sociaux ne sont pas présents de la même manière (les différentes couches d'une même population) dans l’histoire en train de se construire et déconstruire et cessent de partager les mêmes expériences... La pensée de Bloch scrute les expériences sociétales traversées par de nombreuses crises, les formes  de réinvention  des identités sociales façonnées ou pas par la vie industrielle, éléments essentiels de la praxis sociale, qui trouvent à s'enraciner aussi bien des symboles du passé que des utopies passagères, avec tous les aléas de l'altération et de violence" en ces "temps sombres" comme le disait Bertolt Brecht... on assiste donc à des situations complexes, contradictoires et ambiguës, qui constituent le terreaux de ces nouveaux langages contemporains qui participent aussi d'une manière inévitable pour certains penseurs à l’ensauvagement des corps et par ricochet, à l'ensauvagement des mots qui façonnent le langage, la culture et la terre (Victor Klemperer se pose la question de savoir si la pratique du pouvoir modifie le langage, de la première apparition du mot à ses nouvelles acceptions dans les différences communautés et les phénomènes d'euphémisations liés à ce qu'il appelle le détrônement de la raison)... 

Que peut le Corps ? Puisqu'il est (sans concession) au cœur des analyses cliniques et implacables de nombreuses plumes, du discours de notre quotidien, cette chair (surtout humaine) modelée et/ou violentée par de nombreuses structures formelles et informelles, mais surtout par une langue, celle des penseurs et des poètes qui expriment le prolongement du corps parfois dénaturée, déshumanisée par le recours aux lexiques nouveaux pour ne citer que la zoologie, la génétique et la technique, une pensée parfois occultée et confisquée par la subversion silencieuse des esprits. 

À une Passante, aussi fluide que virevoltante, qui,  le temps d'une chanson reviendra suspendre les courbes des festons et ourlets de nos désirs si enfouis... Et dans une grâce sauvage, comme un ouragan et comme une plume en même temps...

 

À UNE PASSANTE

La rue assourdissante autour de moi hurlait.
Longue, mince, en grand deuil, douleur majestueuse,
Une femme passa, d'une main fastueuse
Soulevant, balançant le feston et l'ourlet ;

Agile et noble, avec sa jambe de statue.
Moi, je buvais, crispé comme un extravagant,
Dans son œil, ciel livide où germe l'ouragan,
La douceur qui fascine et le plaisir qui tue.

Un éclair... puis la nuit ! — Fugitive beauté
Dont le regard m'a fait soudainement renaître,
Ne te verrai-je plus que dans l'éternité ?

Ailleurs, bien loin d'ici ! trop tard ! jamais peut-être !
Car j'ignore où tu fuis, tu ne sais où je vais,
Ô toi que j'eusse aimée, ô toi qui le savais !

 

À une Passante est un poème de Charles Baudelaire. Publié dans la revue L'Artiste en 1855, il a été recueilli dans la deuxième édition des Fleurs du mal (1861).

Le poème fait partie de la section Tableaux parisiens dans la seconde édition du recueil (1861). Il s'agit du poème no 93 (XCIII).

Là, une feuille qui se plisse, et les formes ondulent comme la danse baroque... c'est dans ce mouvement, que, le pouvoir essaye de mettre en scène par l'esprit les forces végétatives...

La puissance du baroque n'est pas uniquement l’amplification du mouvement des courbes irrégulières et régulières, ni dans son apparat grandiloquent, mais il a marqué plusieurs époques par ses pouvoirs de re.convocation et d'évocation, qui lui donnent une dimension  transdisciplinaire, qui peuvent justifier sa présence dans presque tous les domaines...

 

Dans ces apparitions et disparitions (attractions, répulsions, éloignements et contacts), le baroque est surtout conflit, il est aussi tension perpétuel, comme une force opératoire dans l'exubérance des ses formes, de ses "effets" dramatiques, produisant des contrastes, dont expliquait Philippe Beaussant : l’époque baroque a tenté de dire « un monde où tous les contraires seraient harmonieusement possibles »... Le baroque valse sens cesse dans une dramaturgie constante de l'approche et de l'éloignement, comme une suite, une entité à saisir dans un mouvement de progression... ça ondule : du s'ouvrir (dérouler, déplier) a dû se refermer (enrouler, plier), sans jamais apparaître dans une globalité... des formes transitoires qui nous tiennent dans un paradigme de l'ineffable approche... Des mouvements des drapés et des fibres qui dialectisent un ici (proche) et un lointain (ailleurs)... 

Mais la formule qui m'a le plus fait sourire et rire est celle d'Henri Maldiney quand il dit que : « le classicisme n'est que la corde la plus tendue du baroque », c'est une manière de trouver un terrain d'apaisement entre un parent et un.e enfant rebelle, comme une fille devenue vagabonde, qui est fortement opposée, hostile à une vieille histoire familiale, qu'elle refuse d'admettre ou apprécier, et ce refus intentionnel et assumé jusqu'aux tréfonds de son âme, ne fait tout de même pas de lui ou elle un.e joli.e enfant bâtard.e ou illégitime... De nombreux auteurs voient aussi dans le baroque une fable politique qui interroge  nos crispations et obsessions dans le conflit intime des oppositions, pour ne citer que la "robuste" culture académique liée aux normes du classicisme face à la vitale et "fluide" nature aux courbures extrêmement rebelles et fluides... pour continuer dans la compréhension du mot "rebelle" dans le dictionnaire Larousse : 

  • Qui est fortement opposé, hostile à quelque chose, qui refuse de s'y soumettre : Un enfant rebelle à la discipline.

  • Qui manque de dispositions pour quelque chose : Être rebelle à la musique.

  • Qui se prête difficilement à l'action à laquelle on le soumet : Mèche rebelle.

  • Qui est difficile à guérir, qui ne cède pas aux remèdes.

Cette voix rebelle baignée d'un Romantisme grave qui se révolte parfois, porte en elle des bandes d'images sonores qui resurgissaient dans ses/ces voies/voix oubliées, des mouvements tendus entre un ici et un là ou ailleurs... avez-vous déjà entendu The River ? Elle circule comme l'air et coule  là où le chemin est libre, en laissant des marques sur les pierres qui seront figées par le soleil et à nouveau détruites le lendemain... dans ce jeu d'apparition et disparition, nous pouvons noter comme la parolière l'exprime qu'il semble avoir quelque chose de nouveau et de très ancien dans les traces, et que la nature a toujours voulu laisser des traces qui s'estompent aussi, et l'homme aussi, depuis qu'il a ouvert sa première gallérie de fresques rupestres... Une mélodie si poétique qui ne voulait pas renier sa loyauté vis à vis de sa terre de naissance, mais qui portait toujours en elle le désir de nous raconter comment certaines âmes étaient prêtes à faire exploser les tonalités et sonorités normatives pour se faire comprendre et affirmer les humanités en adoptant tous les points de vue, mais surtout et de ceux en larmes, qui ne veulent pas obligatoirement le pouvoir... Le blues est une poétique de l'action dans la restriction totale, et parfois le blues met en scène des images des d'impuissances d'un peuple dans la précarité, des images de la réticence dans la fragilité et surtout faire sursauter ou fourmiller les hors-champs ou les puissances actives mais invisibles... 

 

Il faut aborder profondément le Romantisme pour comprendre de nombreuses interrogations liées à la connaissance du blues, car ce dernier est porteur d'un vaste humaniste (qui va à l'encontre de certaines pensées doctrinales poussées à l'extrême, comme figées dans un marbre) par ses multitudes et l'absence même des limites totales, une mélodie qui porte en ses racines de nombreuses influences folkloriques (africaines, asiatiques via les Amérindiens, irlandaises, les musiques classiques européennes, on peut voir l'influence des blues dans la musique de Maurice Ravel (en particulier dans sa Sonate pour violon et piano), George Gershwin (son Rhapsody in Blue, le Concerto en fa majeur, et Porgy and Bess) dans la musique d'Arthur Honegger (Pacific 231), ainsi que dans certaines pièces d'Erwin Schulhoff (Cinq pièces de jazz).etc). Une nouvelle approche de la vie de nombreux compositeurs et compositrices à travers des tonalités qui s'entrecroisent perpétuellement en repoussant les limites des frontières, et donnant naissances à diverses influences, des phénomènes rythmiques qui croisent de nouveaux mots qui sont prononcés partout (dans les livres ou médias de masse, dans les champs de coton, dans les rues, dans les églises, les universités... partout où la vie semble prendre de l'élan) et qui se diffusent sans cesse en donnant naissance à de nouvelles formes musicales, donc le but n'est pas de détruire les formes primitives dites traditionnelles, mais la véritable obsession de la poétique du blues dans sa démarche empiriste (du grec ancien έμπειρία, empeiria (« expérience ») est de consigner à nouveau et déterminer dans quelle mesure les différents peuples adhèrent aux idéologies dominantes à partir de la masse... Victor Klemperer était un intellectuel libéral, animé par un progressisme fort, qui reste ancré dans les traditions et le patriotisme, on pourrait faire une analogie au blues qui s'est imposé dans ses différents accents  comme une nouvelle musique traditionnelle (à étudier pour comprendre la psychologie des peuples dans leurs différences et répétitions) de la nouvelle Amérique dont tout semblait à l'origine séparer ; le but dans la création sans cesse d'une nouvelle poétique est d'ouvrir un pan à la pensée actuelle, de comprendre la puissance des singularités des pensées en ouvrant des passages et des passerelles propices à la fluidité de la dialectique (les points de tensions et de frictions des dialogues) « déchauviniser, détricoloriser » et atténuer l'essentialisme de certaines doctrines écrasantes qui serviraient de base idéologique au ségrégationnisme... Le blues (Le Diable Bleu) fils de Cham brouille les frontières du commun au même en semant la confusion au sein d'un même langage et donnant naissances à de multiples styles si dispersés... 

La tour de Babel : Genène 1-9

1 Alors toute la terre avait un même langage, et une même parole.
2 Mais il arriva qu’étant partis d’Orient, ils trouvèrent une campagne au pays de Sinhar, où ils habitèrent.
3 Et ils se dirent l’un à l’autre : Or ça, faisons des briques, et les cuisons très bien au feu. Ils eurent donc des briques au lieu de pierres, et le bitume leur fut au lieu de mortier.
4 Puis ils dirent : Or ça, bâtissons-nous une ville, et une tour de laquelle le sommet soit jusqu’aux cieux ; et acquérons-nous de la réputation, de peur que nous ne soyons dispersés sur toute la terre.
5 Alors l’Éternel descendit pour voir la ville et la tour que les fils des hommes bâtissaient.
6 Et l’Éternel dit : Voici, ce n’est qu’un seul et même peuple, ils ont un même langage, et ils commencent à travailler ; et maintenant rien ne les empêchera d’exécuter ce qu’ils ont projeté.
7 Or ça, descendons, et confondons là leur langage, afin qu’ils n’entendent point le langage l’un de l’autre.
8 Ainsi l’Éternel les dispersa de là par toute la terre, et ils cessèrent de bâtir la ville.
9 C’est pourquoi son nom fut appelé Babel ; car l’Éternel y confondit le langage de toute la terre, et de là il les dispersa sur toute la terre.

Selon Etienne Cornevin (Philosophe, poète, critique, historien de l'art, spécialiste de l'art tchèque et slovaque contemporain, traducteur de Ladislav Novák et professeur de langue, littérature et civilisation française à Bratislava, Slovaquie (1976-1988) Aristote disait de la poésie qu'elle était plus philosophique que l'histoire, étant plus générale, vouée à faire abstraction des conditions singulières et même de la réalité de telle ou telle suite d’événements, mais elle est aussi de sens opposé : tournée vers le permanent, quand les historiens cherchent à saisir et relater l'absolument singulier, ce qui ne se répète pas. Si les poètes partent de motifs empruntés à leur époque, ce ne sont que des prétextes. En admettant qu'Aristote ait raison, il n'y a pas lieu de parler de "poésie contemporaine", pas plus d'ailleurs que de "poésie du passé" ou "poésie de l'avenir". Et si l'art est une poésie muette, comment pourrait-il ne pas partager cette opposition, donc au contemporain ?

Abbey plisse encore et encore les timbres du blues, de ce qui nous paraissait pourtant si ordinaire, creusant des intervalles entre l'autrefois et le maintenant des voies des mémoires créoles habitées qui préparent une longue jeunesse à la formation... comme si elle voulait lire à travers les gouttelettes du matin les constellations, et nous invitait à ouvrir d'autres sens, écarteler le plus connu c'est lire dans d'autres sens et retourner les cartes comme des destins... entre le connu et l'inconnu il y a les corps (les êtres vivants), qui ne cessent de produire des gestes, et selon Georges Didi-Huberman "ce qui rend sensible ou inscrit les gestes humains s'appelle les images" ; des images comme des sons connus (formels) et inconnus (informels), comme une rumeur... C’est d’ailleurs par la rumeur, les gestes, et les sons que fut introduite dans les sociétés une pensée nouvelle, celle de l’« adaptation ». En Angleterre, selon notre copine wiki « celle-ci avait commencé à fixer ses racines dans les années 1899, par l'intermédiaire des « Apostles », les adeptes de Bloomsbury qui se joignirent également aux pensées des philosophes analytiques G. E. Moore et Bertrand Russel, qui avaient pour ambition de bousculer la philosophie britannique au tournant du siècle. Les Principia Ethica (1903) de Moore fournirent au Groupe une philosophie morale. La distinction entre la fin et les moyens est un lieu commun de L’éthique mais ce qui faisait tout l'intérêt des Principia Ethica pour Bloomsbury, c'était la notion de valeur intrinsèque, qui dépendait d'une intuition personnelle du bien et de
l'esthétique. Pour eux, le « sens du beau est une voie privilégiée pour la morale». Ce texte fut particulièrement influant sur le Bloomsbury Group, « nébuleuse insaisissable » de talents avant la Première Guerre mondiale. Il les 
unifiait autour de l’éthique intuitionnisme ».

Atlas image 1 - Les Plis Mélodiques d'Abbey Lincoln

Atlas image 2 les courbes de ma rivière

Les plis.webp
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Quelque chose de Baroque disait Deleuze : "le baroque ne renvoie pas à une essence, mais plutôt à une fonction opératoire, à un trait. Il ne cesse de faire des plis. Il n'invente pas la chose : il y a tous les plis venus d'Orient, les plis grecs, romains, romans, gothiques, classiques (et dorénavant on rajoutera les plis du continent Noir ou plis africains)... Mais il courbe et recourbe les plis, les pousse à l'infini, pli sur pli, pli selon pli. Le trait du baroque, c'est le pli qui va à l'infini. Et d'abord, il les différencie suivant deux directions, suivant deux infinis, comme si l'infini avait deux étages : les replis de la matière, et les plis dans l'âme"...

Pli est surtout la geste et non le geste, mais la geste comme la théâtralité mélodique d'Abbey Lincoln, et par conséquent à la complexité de l'oeuvre d'une des plus grandes parolières sans précédente dans la musique classique africaine-américaine... Chanter comme une manière de figurer les multiples, une oeuvre ouverte... une voix qui débat et qui dialogue avec l'universel...

Pli selon pli, portrait de Mallarmé est une œuvre de Pierre Boulez,  pour voix de soprano et orchestre, d'après des poèmes de Stéphane Mallarmé. Sa composition a commencé en 1957 ; elle a connu diverses versions et divers remaniements jusqu'en 1990, on admire cette oeuvre pour les différentes modifications apportées par son auteur, et surtout pour sa complexité et ses nombreuses versions... 

 

Une première version complète (avec les cinq parties actuelles) a été créée, en 1960, à Cologne, sous la direction du compositeur. Une nouvelle version a été créée en 1962 au Festival de Donaueschingen, également sous la direction du compositeur...

Bien ! Vous me poserez la question de savoir :  quel est le lien ou quels sont les liens entre Pierre Boulez et Abbey Lincoln ?

Mais on posera rarement la question de savoir quels sont les liens entre Stéphane Mallarmé et Pierre Boulez... !

Pour amorcer les réponses à la question précédente, les liens entre Pierre Boulez et Abbey Linconl sont plus proches et je dirai même plus forts que Boulez et Mallarmé, car les célèbres compositeur et parolière ont partagé les mêmes siècles, à quelques années de différence, ils ont partagé ensemble des contextes historiques plus ou moins lointains, et de nombreux faits divers, car ils ont vécus à la même époque et traversés les mêmes temporalités à quelques frontières de différence, du début du XXème siècle au début du XXIème siècle...

 

Pierre Boulez est né le 26 mars 1925 à Montbrison et mort le 5 janvier 2016 à Baden-Baden, est un compositeur et chef d'orchestre français, fondateur, puis directeur de l'Institut de recherche et coordination acoustique/musique (IRCAM) et de l'Ensemble intercontemporain, il est également professeur au Collège de France, chaire « Invention, technique et langage en musique », de 1978 à 1995... 

 

Anna Maria Wooldridge, dite Abbey Lincoln, est née le 6 août 1930 à Chicago et morte le 14 août 2010 à Manhattan, est une chanteuse américaine de jazz (une artiste noire), compositrice, parolière et comédienne, également connue dans les années 1960 comme défenseure et militante des droits civiques américains. Le piano familial lui permet très tôt de s'initier à la musique, elle commence à chanter à l'école et à l'église. Elle monte sur scène dès le collège avant de partir en Californie où elle chante dans des orchestres à partir de 1951. Elle épouse le batteur Max Roach en 1962 et divorce en 1970. Elle meurt le 14 août  2010 à New York à  l'âge de 80 ans, en laissant une mémoire aussi profonde, symbole d'un nouvel enracinement, d'un réveil de la grâce qui apaise et libère du seasoning...

Comment se fait-il que leur disparition retourne certains admirateurs et nous laisse aussi admiratif à chaque réécoute, comme un étonnement à la vue d'un masque Tsema'bu, alors que nous n'avons pas les repères contextuels de ce dernier ? Quel effet ! C'est que l'art n'est pas communication... les deux protagonistes composaient des fragments assemblés pour nous extirper d'un monde de communication exagéré... (cette partie sera longuement développée et on amorcera les thématiques de la poétique...).

Quelques pistes pour la suite :

Leibniz écrivait beaucoup des petits opuscules et fragments inédits pour ne rien oublier...

Abbey et les "Siens" (les musiciens) brodent les temps dans leurs progressions d'accords qui ne se laissent pas facilement saisir et nécessitent un effort  gratifiant d'écoute profonde et de visualisation (comme dessiner les mots/maux d'un roman ou d'un conte), Abbey Lincoln (tout comme Toni Morrison) exprime dans sa ligne de basse sa joie, sa tristesse et ses déboires, et elle traîne sa sinueuse voix si lentement comme une tortue, surtout dans les parties les plus difficiles à exprimer, comme si à certains endroits, la masse vocale devenait plus visqueuse et plus impactante... Elle fait partie de ces artistes qui, dans leur traîne sonore et visuelle inventent leur propre  discipline (Linconlnologue on pourrait aussi dire avec humour, même si la philosophie de la musique n'a pas encore achevé de délivrer sa poétique... mais, elle reste au cœur de nombreux sujets, qui sont implicitement liés au retour à une étude plus approfondie de l'oralité et aux chants des aèdes... ), parfois, elle feuillette en une chanson des temps si sombres et troués, et, parfois, c'est toute une lignée qui ondule dans les flots, mais dans tous les cas, soit, il s'agit d'une "histoire personnelle", soit, elle en fait une "affaire personnelle", car elle chante toujours à la première personne du singulier... La poésie construit des personnages mystiques et conceptuels, comme il n'a jamais été évident d'avouer si Homère a été un individu réel (historique)  ou bien une identité fictionnelle (construite), donc personnage conceptuel et surtout s'il est bien l'auteur des deux célèbres épopées qui sont au fondement de la littérature occidentale ; mais dans tous les cas, l'aède ne cessera de nous emporter dans son merveilleux aveuglement comme Abbey dans son blues... 

Le terme blues vient de l'abréviation de l'expression anglaise blue devils ([blu ˈdɛvəlz] « diables bleus »), qui signifie « idées noires » à travers les lamentations, qui seront développées à la planche 42 de notre Atlas, comme une expression de la douleur d'un peuple en perpétuel conflit, mais encore sous l'autorité blanche, un peuple resté majoritairement républicain, en hommage au parti de leur libérateur Abraham Lincoln...

 

Mais nous pouvons accepter cette affirmation "L'émotion ne dit pas je" de Deleuze, et si je pouvais me permettre de dire à nouveau après le grand maître que, "l'émotion ne dit JAMAIS je" car, même si, la première personne du singulier est au cœur du récit, elle renvoie vers une compréhension que celle-ci produit dans son interaction avec un environnement vaste et parfois obscur (caché, invisible à l'immédiat ou à l’œil nu), un "je" si fluide et parfois plus que fou ou folle de rage, une rage si poétique, donc esthétique... and  I sing a song again...

Pensez à votre mélodie préférée, "Nobody Knows the Trouble I've Seen..." - pourquoi l'aimez-vous et quels sont les fragments les plus mémorables qui ont laissé échapper des événements sensibles (des images, des apparences, des apparitions, des gestes, et mêmes des regards fantomatiques) qui retournent sans cesse à vous et le plus rapidement, comme une rivière ? Quand nous aimons, c'est quand même incroyable comme nous restons accrochés à chaque écoute, comme si quelque chose nous avait échappé, alors que tout semblait déjà avoir été écrit ou joué auparavant, et pourtant, entre l'autre fois et le maintenant, il survit à nouveau une force dans la puissance de lisibilité dont les événements sensibles sont porteurs... Et la reprise nous apprend cependant qu'il y a eu absence... "Nobody knows my sorrow..." - nous n'avions pas entendu cette note hier et nous avions même oublié de comprendre la traduction d'un mot, et peut-être d'autres mots, et tout saisir (la totalité) dorénavant sera loin d'être le cas, ce monde est-il un rêve éveillé... ?

Mon cher Sancti Petri insistait sur la morphologie et la puissance des mots, il vaut mieux les ressentir (leurs sensibilités et leurs propriétés poétiques, leurs lyrismes) pour maîtriser l'expression de la pensée... comme le disait Hegel "c'est dans les mots que nous pensons" 

« Nous n'avons conscience de nos pensées, nous n'avons des pensées déterminées et réelles que lorsque nous leur donnons la forme objective, que nous les différencions de notre intériorité, et que par suite nous les marquons de la forme externe, mais d'une forme qui contient aussi le caractère de l'activité interne la plus haute. C'est le son articulé, le mot, qui seul nous offre une existence où l'externe et l'interne sont si intimement unis. Par conséquent, vouloir penser sans les mots, c'est une tentative insensée. Mesmer en fit l'essai, et, de son propre aveu, il en faillit perdre la raison. Et il est également absurde de considérer comme un désavantage et comme un défaut de la pensée cette nécessité qui lie celle-ci au mot. On croit ordinairement, il est vrai, que ce qu'il y a de plus haut c'est l'ineffable...
Mais c'est là une opinion superficielle et sans fondement ; car en réalité l'ineffable c'est la pensée obscure, la pensée à l'état de fermentation, et qui ne devient claire que lorsqu'elle trouve le mot. Ainsi, le mot donne à la pensée son existence la plus haute et la plus vraie. Sans doute on peut se perdre dans un flux de mots sans saisir la chose. Mais la faute en est à la pensée imparfaite, indéterminée et vide, elle n'en est pas au mot. Si la vraie pensée est la chose même, le mot l'est aussi lorsqu'il est employé par la vraie pensée. Par conséquent, l'intelligence, en se remplissant de mots, se remplit aussi de la nature des choses. »

                             

HEGEL, Philosophie de l'esprit.

Et pourquoi Boulez essaye de composer (d'interpréter) les poèmes de Mallarmé, et en faire  une affaire si personnelle... au point de  fragmenter et étirer les mots à l'infini, Pli selon pli ? 

 

DON DU POÈME

 

Je t’apporte l’enfant d’une nuit d’Idumée !
Noire, à l’aile saignante et pâle, déplumée,
Par le verre brûlé d’aromates et d’or,
Par les carreaux glacés, hélas ! mornes encor
L’aurore se jeta sur la lampe angélique.
Palmes ! et quand elle a montré cette relique
À ce père essayant un sourire ennemi,
La solitude bleue et stérile a frémi.
Ô la berceuse, avec ta fille et l’innocence
De vos pieds froids, accueille une horrible naissance :
Et ta voix rappelant viole et clavecin,
Avec le doigt fané presseras-tu le sein
Par qui coule en blancheur sibylline la femme
Pour des lèvres que l’air du vierge azur affame ?

En observant Sancti Petri et certains maîtres étirer la trame et danser sur leurs claviers, c'était si "étrange" je dirai même "bizarre de se courber ainsi toute une journée, à cogner les boutons, qui résonnaient sans cesse ; mais en même temps, il me semblait aussi que c'était violant, tendre et "beau comme la rencontre fortuite sur une table de dissection d'une machine à coudre et d'un parapluie !"- une table parsemée de planche à réunir... si les surréalistes adoptèrent cette illustre citation de Lautréamont du sixième chant de Maldoror, c'est qu'elle n'est basée sur aucun principe, ni finitude, mais, peut-être donne-t-elle frivolement un rythme ou un battement à la vie comme une machine à coudre, le lieu de rencontre de diverses tessitures antagonistes et disséquées... Sur une machine à coudre, certaines matières vivantes passent en glissant rapidement, d'autres sont plus rugueuses, et, d'autres filent à l'intérieur d'une même structure, d'autres sont si fluides et transparentes, comme mes jupons, d'autres matières très solides vont casser l'aiguille, et il ne faut pas trop forcer, et il vaut mieux dans ce cas changer la machine ou changer le tissu, et parfois tout simplement l'aiguille... hier encore, j'admirais un magnifique tutu crème aux poids blancs sur une vitrine et je pensais à la courbure du danseur, le tutu était hors de prix, mais on va avouer que j'avais oublier ma carte bancaire à la maison... je rêvais mon corps comme celui d'une nymphe imposante, et, à chaque pas, laissant les fluides danser... à l'intérieur même de ce mouvement (des voiles ou drapés qui se froissaient) se cachaient des abstractions, un langage mystique qui faisait certainement appel à l'intuition autant qu'à la raison, j'essayais par ce rêve animé d'atteindre l'esprit des vibrations (ses percussions) et d'aller au-delà de la raison, celle de comprendre mon emprise dans cette danse si éphémère, mais intense et profonde comme une mélodie d'Abbey Lincoln... des courbures qui ondulaient en moi, avant même le chant, à l'idée d'y évoquer, pendant le chant et après le chant... le tutu valsait comme une voix sensuelle sur ma peau, et il s'attachait à mon corps si pesant et semblait l’alléger le temps d'une danse... j'aime le (drapé) voir serpenter autour de ma cambrure, donner du volume et envelopper ma chair et mon âme aussi, j'ose souvent le croire... Le mystère se cache dans les fibres du danseur et à chaque tournure, l'apparat ne cesse de voiler, dévoiler et se dévoiler les tessitures... Observez à nouveau les danses liturgiques et rituéliques, elles se plissent comme les cordes de la parolière pour l'amour du vent et la beauté du vent... Tout cela me rendait si heureuse... 

Mais si on s'éloigne de la beauté de la rencontre des matières sensuelles, et, on retournait la phrase souvent citée d'Isidore Ducasse, compte de Lautréamont d'une autre façon, on pourrait la remettre dans son contexte, car au préalable, l'auteur de la terrible citation décrivait un jeune homme avec plusieurs analogies et métaphores toutes aussi merveilleusement absurdes :

   

"Il a seize ans et quatre mois ! il est beau comme la rétractilité des serres des oiseaux rapaces ; ou encore, comme l'incertitude des mouvements musculaires dans les plaies des parties molles de la région cervicale postérieure ; ou,  plutôt, comme ce piège à rats perpétuel, toujours retendu par l'animal pris, qui peut prendre seul des rongeurs indéfiniment, et fonctionner même caché sous la paille ; et surtout, comme la rencontre fortuite sur une table de dissection d'une machine à coudre et d'un parapluie !" Chant VI, I

"Vieil océan" à "ta forme harmonieusement sphérique", tu "réjouissais" ma face, et retardais ma marche ; tes plis et replis ondulaient sans cesse, en me rappelant la rosée du matin et les yeux d'un papillon, et à ceux des coccinelles pour la perfection de leurs rondes bosses moins éphémères que celle du tutu, et ses froufrous... 

Une fois de plus que pouvait signifier (à nouveau) la beauté (tant qu'elle occupera le centre des questionnements esthétiques en Occident) ?

 

Selon mon amie Christina quand elle écoute Pli selon Pli (tombeau) de Boulez de 15 : 00 jusqu'aux applaudissements, c'est cette impression d'une fin inachevée et brutale, vous voulez une suite, mais il n'y aura pas de suite, et vous suppliez pour que la musique reprenne encore et encore... selon Vicky, une autre bonne amie, la beauté vibre dans Love is made d'Abbey Lincoln dans cette composition la partie 2 : 09 à 2 : 21 est tout simplement magnifique, le jeu soudain et rapide du contrebassiste et comment le trompettiste ou le saxo entre dans le jeu, la fusion des cordes et du souffle excite sa chair, comme si, elle se prolongeait au-delà de la chair, une fusion qui prenait et donnait chair... elle trouvait ces effets juste hallucinants et émouvants... elle m'expliquait souvent avec agitation et excitation que cette partie imposait une écoute très profonde (Deep Listening), c'est dans ces contrepoints qu'elle trouve la musique parfois Au-delà même de la magie... la cause fondamentale, l'origine ou le principe même de la vie et son arrachement soudain, et elle reste sans mot à ces instants bien précis, et à 2 : 21 de Love is made, c'est le retour au calme, et elle se questionnait une fois de plus : mais où va la musique ? Elle est si opératoire dans ses tessitures si extrêmes et denses, quelque chose de terrible cet "effet" comme l'évoquait Léon Tolstoï :

 Chose terrible que cette sonate ! Surtout ce presto ! Et chose terrible en général que la musique. Qu'est-ce ? Je ne comprends pas ce que c'est que la musique, et pourquoi elle a de tels effets. On dit que la musique élève l'âme. Bêtise, mensonge. Elle agit, elle agit effroyablement (je parle pour moi), mais non d'une façon ennoblissante. Son action n'est ni ennoblissante ni abaissante, mais irritante. Comment dirais-je ? La musique me fait oublier ma situation véritable. Elle me transporte dans un état qui n'est pas le mien ; sous l'influence de la musique, il me paraît sentir réellement ce que je ne sens pas, comprendre ce que je ne comprends pas, pouvoir ce que je ne puis pas...

...Quant à la musique, elle me transporte immédiatement dans l'état d'âme où se trouvait celui qui écrivit cette musique. Mon âme se confond avec la sienne et, avec lui, je passe d'un état à l'autre. Comment cela se fait-il, je n'en sais rien. Celui qui a écrit la Sonate à Kreutzer, Beethoven, savait, lui, pourquoi il se trouvait dans cet état : cet état le mena à certaines actions, et voilà pourquoi, pour lui, il avait un sens, tandis que pour moi il n'en a point. C'est la raison pour laquelle la musique provoque une excitation qu'elle laisse inachevée. On joue, par exemple, une marche militaire : le soldat passe au son de cette marche et la musique est terminée. On chante une messe, je communie, et la musique encore est terminée. Mais l'autre musique provoque une excitation qui n'indique pas quel acte doit lui correspondre. Voilà pourquoi la musique est si dangereuse, agit parfois si effroyablement. En Chine, la musique est soumise au contrôle de l'État, et c'est ainsi que cela doit être. En effet, peut-on admettre que le premier venu hypnotise une ou plusieurs personnes et en fasse après ce qu'il veut ? Et surtout que l'hypnotiseur soit n'importe quel individu immoral.

C'est un pouvoir effroyable dans les mains d'un individu quelconque.

Leibniz tout comme Boulez et Abbey Lincoln construisent un monde entrelacé (assemblages) de motifs pour une signifiance multiple, qui font de leur oeuvre respective un symbole puissant porteur et vecteur de sensibilités. Le symbole étant étymologiquement l’acte de  « mettre ensemble », on peut presque dire que l’assemblage est un symbole pur du mot : m-o-t... même si le symbole est souvent appréhender  comme étant "duel" entre  signifiant/signifié, Signifiance/signification dans les études contemporaines, il devient critique dans ses relations d'inférences et d'équivalences, dès lors qu'il s'agit de mettre ensemble plusieurs rapports, c'est le conflit qui s'installe dans les bordures et en débordant le dessus et le dessous, au point même de perdre ou faire éclater la notion de sens même, dès lors où le sens n'est déjà plus ici ou là où on le croit, dès lors où le geste et/ou la voix ne sont déjà plus tout à fait là, établir une fixité (une place ou une entité pérenne) ou des places dans des termes liés à la signification, c'est d'une certaine façon désensibiliser le visible et le sonore... Il vaut mieux se contenter de les sentir et accepter que les images et les sont vont se mouvoir dans leurs fluidités si folles... 

Le sens virevolte comme dans un terrible jeu des troubadours, au point de ne même plus avoir de fin, à savoir s'il y avait au moins un ou plusieurs commencements ? Qui a dit qu'au commencement était la parole a oublié de donner sa langue (en bassa ou en français) et surtout son ton : dièse ou bémol ? Peut-être les deux à la fois ! Bien qu'il ou elle oublia de nous laisser des normes restrictives avant sa dispersion, l'humain ne cesse tout de même de s'émouvoir par une présence déjà-là et jamais tout à fait là, donc absence... Quelque chose de terrible et en mouvement dans la mélodie d'Abbey Lincoln (African Lady) et de Pierre Boulez, qui nous transporte dans un rêve éveillé africain, comme une force indescriptible dans  Mikoukou are ghe mbongo de Cele,  une force qui marque parfois une préférence et une appartenance dans NTIGO NI NTIGO, quand le tempo du primitivisme (What is the real mean of primitivisme ?) persiste dans toutes les interprétations d'Ionisation d'Edgar Varèse (interprétation 1), (version 2)(interprétation 3), (interprétation 4), au point de ne plus jamais vous quitter : la présence est appartenance, elle courbe mon âme comme une flamme, elle brûle en moi... la présence est une famille aux multiples éclats, et chaque fragment constitue sa survivance, minuscule fragment qui survit de notre mémoire fragile, et qui à tout moment pourrait rallumer maintenant le feu Le Terrible feu primitiviste de Varèse est comme un BIG-BANG, aussi fragmenté et découpé que Dionysos, et il se fripe poétiquement en de multitudes distorsions avant l'explosion : c'est la célébration ou la fête et on voit sautiller les troubadours (troubadour de l'occitan trobador : « trouveur », trobairitz au féminin : « trouveuse »). Les sciences de l'art et l'esthétique doivent garder leurs fortes autonomies réflexives et sensitives, un véritable carnaval ou Gai Saber, cette forte  gaieté comme une pensée du jeu ou une écriture des rencontres se faisant face aux savoirs re.connus et ignorés , et en écho au paragraphe 84 sur « L'origine de la poésie », où Friedrich Wilhelm Nietzsche pose la question suivante :

« N'est-ce pas une chose extrêmement plaisante que de voir les philosophes les plus sérieux, si sévères qu'ils soient le reste du temps avec toute certitude, en appeler sans cesse à des sentences de poètes pour assurer force et crédibilité à leur pensée ? »

La première fois que j'ai entendu Ionisation, je me suis exclamée trois fois, et ne le prenez pas pour du racisme : Des Blancs qui savent aussi bien jouer au Tam-Tam comme les Noirs... ? Waouuu !!! J'ai aimé Ionisasion (la version de Pierre Boulez était ma première écoute de la composition)  parce qu'il y avait le Tam-Tam, en fait au départ c'était uniquement pour ça... Et puis après, j'ai découvert l'esthétique de la musique contemporaine... mais seulement 2 ans après en 2012... Mais le déclic s'est produit avec Ionisation dansé par Bill T. Jones, le corps devenait un marbre et c'était si baroque : les replis de la matière, et les plis dans l'âme"... Pourquoi toute cette dépense physique du chorégraphe ? Pourquoi tous ses plis chez Boulez et dans les cordes vocales de la parolière ? Est-ce une dépense aveugle et naïve du bipède qui cherche (dans ses froissements et griffures) encore à bâtir sa demeure au lieu de la chérir ?

« Et les plus aveugles sont encore
Les fils des dieux. Car l’homme connaît sa demeure
Et la bête le lieu où bâtir la sienne,
Mais à ceux-là fut donné ce défaut
Dans leur âme toute naïve
De ne savoir où ils s’en vont. »

Dans Journal de Pensée Hannah Arendt, Cahier I 14 p. 26 éd. Seuil. 

 

 

La suite de l'Atlas sera disponible lors d'un prochain projet ou mission, on abordera les planches 3, 4 et 5 sur la reconfiguration et la configuration de la poétique, une suite à mes travaux d'analyses plastiques et thématiques...

 

On n'aimerait ne jamais arrêter d'écrire par amour d'une ou plusieurs images, un dessin ou un poème chanté si flottant (The Fly) de William Blake... Que tout être vivant chante louange à sa manière disait la parolière tant célébrée, et, c'est inscrit aussi en noir et blanc dans la bonne nouvelle...  Une feuille qui se plisse et les ondulations des eaux de ma rivière à Mandjap près de ma demeure familiale sont aussi fascinantes et transparentes que La "Vierge voilée" de Strazza... Quels effets ou le goût de ça... ? 

 

Texte à suivre written by Anna Mapoubi... 

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